Histoire complète de la Renault 8

Contexte et genèse (fin des années 1950 - début 1960)

À la fin des années 1950, Renault cherche à moderniser sa gamme. Après le succès de la Dauphine, la marque au losange souhaite proposer une nouvelle berline compacte, plus moderne, plus fiable, et intégrant des améliorations techniques visant à gommer certains défauts de la Dauphine (comme le freinage, la stabilité, la corrosion). Les ingénieurs travaillent sur un modèle qui conservera la formule “tout à l’arrière” – moteur et propulsion arrière – afin d’optimiser l’habitabilité et de rester compétitifs dans le contexte industriel de l’époque.

Lancement (1962)
Présentée en juin 1962, la Renault 8 (type R1130) adopte des lignes cubiques et simples, une silhouette compacte et des dimensions réduites. Elle se différencie de sa devancière par un dessin plus anguleux, une nouvelle structure et des évolutions techniques, notamment des freins à disque aux quatre roues, une innovation exceptionnelle pour une voiture de ce segment à l’époque. Le moteur, un quatre-cylindres en ligne refroidi par eau, est placé en porte-à-faux arrière, comme sur la Dauphine.

Le confort est amélioré, la finition rehaussée, et la tenue de route est globalement meilleure. La Renault 8 est accueillie favorablement sur le marché français et international. Elle est produite en France, mais aussi sous licence dans d’autres pays (Espagne, Roumanie sous le nom Dacia 1100).

Évolutions et versions (années 1960 - début 1970)

Renault 8 Major (1964) : Version légèrement améliorée, avec un moteur plus puissant (1 108 cm³ au lieu de 956 cm³), et un intérieur un peu plus cossu. La Major cohabite avec la R8 de base, avant que cette dernière ne soit progressivement remplacée.
Renault 8S (selon marchés) : Dans certains pays, une version plus performante voit le jour avec un moteur plus vif et quelques éléments distinctifs.
Renault 8 Gordini (1964-1970) : Sans doute la plus emblématique variante. Amédée Gordini, préparateur renommé, s’attaque à la R8 pour créer une petite sportive de référence. La première R8 Gordini (type R1134) est équipée d’un 1 108 cm³ gonflé à 95 ch. Elle arbore une livrée bleue avec bandes blanches, un tableau de bord plus complet, un équipement sportif, une suspension retravaillée. En 1966, la R8 Gordini évolue (type R1135) avec un moteur 1 255 cm³ de 110 ch, la rendant encore plus compétitive. Cette “Gord” s’illustre en rallye (Tour de Corse, Critérium des Cévennes...) et acquiert un statut de mythe.
Renault 10 (1965) : La R10, dérivée de la R8 mais plus longue et mieux finie, vient compléter la gamme. Cela n’enlève rien à la popularité de la R8, plus abordable et plus sportive dans sa version Gordini.
Fin de carrière (années 1970)
Confrontée à l’arrivée de modèles plus modernes (traction avant, carrosseries plus spacieuses), comme la Renault 12 ou encore la R5 qui pointera son nez en 1972, la R8 commence à accuser le poids des ans. La production en France cesse en 1971-1972, mais dans certains pays (comme l’Espagne), la R8 poursuit sa carrière quelques années de plus. Au total, la R8 aura été un succès, appréciée pour sa robustesse, sa facilité d’entretien et, dans sa version Gordini, pour son caractère sportif.

Les modèles les plus recherchés et les plus chers
Par modèles et millésimes :

Renault 8 Gordini 1100 (R1134, 1964-1966) : Les premières Gordini (avec le moteur 1 108 cm³) sont déjà très recherchées, car moins produites et plus rares. Les prix grimpent pour les exemplaires en excellent état ou restaurés à l’origine.
Renault 8 Gordini 1300 (R1135, 1966-1970) : La plus aboutie des Gordini, avec le moteur 1 255 cm³ et 110 ch, jouit d’une cote très élevée. C’est la version la plus emblématique, la plus performante et la plus mythique. Les véhicules disposant d’un historique sportif clair, de documents originaux, ou ayant participé à des rallyes deviennent de véritables trésors.
R8 S ou R8 Major en très bon état : Moins exclusives que les Gordini, ces versions plus communes peuvent atteindre des prix intéressants si elles sont parfaitement restaurées et dotées d’une bonne documentation.
Modèles de première année (1962) : Les toutes premières R8, encore avec leurs spécificités originelles, peuvent intéresser les collectionneurs cherchant l’authenticité du premier millésime. Bien qu’elles n’atteignent pas la cote des Gordini, elles peuvent valoir plus cher qu’une R8 standard ultérieure.
Les plus chers sur le marché actuel :

R8 Gordini 1300 (R1135) : Un exemplaire parfaitement restauré et authentique, avec historique limpide, peut largement dépasser les 40 000 à 50 000 euros, voire plus, selon la rareté et le pedigree de la voiture.
R8 Gordini 1100 (R1134) : Légèrement moins cotée que la 1300, elle peut quand même atteindre 30 000 à 40 000 euros dans des conditions similaires.
R8 standard ou Major en état concours : Reste abordable en comparaison, mais peut avoisiner les 10 000 à 15 000 euros si vraiment dans un état irréprochable et rare.

Avantages et inconvénients de la Renault 8
Avantages :
Simplicité mécanique : La R8 est facile à entretenir, avec un moteur relativement simple, et des pièces détachées encore disponibles grâce à des clubs et spécialistes.
Freins à disque aux quatre roues : Une innovation pour l’époque, améliorant notablement le freinage et la sécurité active.
Excellente base pour la Gordini : La R8 Gordini est une voiture culte, offrant des performances amusantes, une tenue de route appréciable, et un potentiel sportif dans les rallyes historiques.
Habitabilité correcte pour sa taille : Malgré le moteur arrière, la R8 offre un espace intérieur correct et un confort acceptable pour les standards de l’époque.

Inconvénients :
Architecture moteur arrière : Cette configuration, bien que pratique à l’époque, devient vite dépassée, avec une tenue de route parfois délicate sur sol glissant. Les survirages peuvent surprendre les conducteurs non expérimentés.
Performances modestes sur les versions standard : Hors Gordini, la R8 reste une berline paisible, peu puissante, qui peine sur autoroute moderne.
Confort et équipement rudimentaires : Insonorisation limitée, équipements réduits au minimum, finition simple.
Corrosion : Comme beaucoup de voitures de cette époque, la R8 peut souffrir de rouille sur la carrosserie et le châssis, nécessitant une inspection approfondie avant achat.

En conclusion, la Renault 8 est une berline compacte emblématique des années 1960, symbole de la modernisation de Renault après la Dauphine. Robuste, simple et abordable, elle a su séduire une large clientèle. Son dérivé sportif, la R8 Gordini, est devenu un mythe, dont la cote reste très élevée chez les collectionneurs. Malgré une architecture à moteur arrière désormais datée et des prestations modestes en version standard, la R8 garde un charme rétro indéniable et une place de choix dans l’histoire de l’automobile française.

Article par JM. Decayeux / PHOTOGRIFFON