Histoire complète de la Renault 4CV
Contexte et genèse (Seconde Guerre mondiale et après-guerre)
La conception de la Renault 4CV débute clandestinement pendant l’Occupation, sous la direction des ingénieurs Fernand Picard et Charles-Edmond Serre, et avec le soutien de Louis Renault. Alors que l’usine Billancourt est sous contrôle allemand, une petite équipe travaille sur un projet de voiture populaire, petite, économique et adaptée à la France d’après-guerre. L’idée est de créer une automobile accessible au plus grand nombre, pour relancer la mobilité et l’économie dans une France qui sortira exsangue du conflit.
Lancement au Salon de Paris (1946-1947)
La situation de l’après-guerre est difficile, mais la Régie Nationale des Usines Renault, nationalisée en 1945, mise sur ce projet. Présentée en 1946 sous forme de prototypes, la Renault 4CV est officiellement dévoilée au Salon de Paris 1947. Sa silhouette ronde, ses dimensions compactes, sa carrosserie monocoque et son moteur quatre cylindres de 760 cm³ (puis 747 cm³), placé en porte-à-faux arrière, en font une sorte de “Coccinelle française”. Elle est surnommée « la motte de beurre » en raison de sa couleur jaune pâle des premiers prototypes et de ses formes rondouillardes.
Production et succès commercial (fin des années 1940 - années 1950)
La 4CV devient rapidement le symbole de la motorisation de masse en France, avec la Citroën 2CV. Plus abordable que beaucoup d’autres voitures et très sobre, elle répond parfaitement aux besoins de l’époque : se déplacer à moindre coût, sur des routes encore peu carrossées, avec une voiture facile à entretenir. Grâce à sa simplicité mécanique, à sa robustesse et à ses qualités routières correctes, la 4CV séduit une clientèle populaire et familiale.
La production s’intensifie, et la 4CV devient la première voiture française à dépasser le million d’exemplaires produits (plus d’1,1 million d’unités entre 1947 et 1961). Son succès dépasse les frontières, et elle est exportée dans de nombreux pays. La 4CV est même assemblée sous licence au Japon (chez Hino).
Évolutions et dérivés
Au fil des années, la 4CV évolue peu, car elle est conçue dans une logique de simplicité. On voit apparaître des versions améliorées, des teintes plus variées, quelques retouches esthétiques (calandre, enjoliveurs, etc.). Les performances restent modestes (environ 21 ch), mais la légèreté et la petite taille du véhicule lui assurent une vitesse maximale d’environ 100 km/h, suffisante pour l’époque.
Sur le plan sportif, la 4CV a connu quelques succès dans des compétitions telles que les Mille Miglia, la Coupe des Alpes ou le Critérium des Cévennes, ce qui contribue à son image. Des préparateurs comme Gordini s’y intéressent, créant des versions plus dynamiques.
Fin de carrière (1961)
Face à l’arrivée de nouvelles voitures plus modernes (comme la Renault Dauphine lancée en 1956), la 4CV voit son rôle décliner. Sa conception d’avant-guerre commence à dater, et les clients cherchent davantage de modernité et de confort. La production de la 4CV s’arrête en juillet 1961. Elle laisse derrière elle l’image d’une voiture emblématique, qui a accompagné la reconstruction de la France et la démocratisation de l’automobile.
Les modèles les plus recherchés par année et les plus chers
Par périodes :
1947-1949 : Premiers modèles
Les toutes premières 4CV, avec leurs spécificités d’origine (capot à 3 ouïes de ventilation, quelques détails spécifiques) sont très recherchées par les collectionneurs. Ces exemplaires de la fin des années 1940, encore rares et parfois rudimentaires, peuvent atteindre des valeurs élevées s’ils sont en parfait état et d’origine.
Années 1950 : modèles spéciaux et préparations
4CV Sport Gordini : Les versions préparées par Amedée Gordini, avec moteur modifié et look plus dynamique, sont très prisées. Elles sont rares et recherchent des prix élevés sur le marché de la collection.
Séries exportation : Certaines versions destinées à l’exportation (US, UK) peuvent également susciter l’intérêt, notamment si elles ont des caractéristiques distinctives (phare, instrumentation, etc.).
Fin de production (fin des années 1950 - 1961)
Les derniers millésimes, bien que techniquement peu différents, peuvent avoir une certaine valeur nostalgique, mais c’est surtout l’état de conservation et l’authenticité qui détermineront leur prix. Un exemplaire “sorti de grange”, peu kilométré, en état d’origine, peut avoir une belle cote auprès des puristes.
Les plus chers sur le marché actuel
4CV Gordini : En parfait état, avec préparation d’époque et historique complet, peut dépasser les 25 000 à 30 000 euros, voire plus.
Premières séries (1947-1949) : Un exemplaire de la toute première année de production, soigneusement restauré et documenté, peut valoir entre 15 000 et 20 000 euros.
Modèles standards parfaitement restaurés : Un bel exemplaire de 4CV en état concours se négocie généralement entre 10 000 et 15 000 euros, selon la rareté des finitions et la qualité de la restauration.
Avantages et inconvénients de la Renault 4CV
Avantages :
Simplicité mécanique et robustesse : Le moteur, la transmission et la structure générale sont simples, ce qui facilite l’entretien et la restauration. Les pièces détachées restent relativement accessibles.
Faible consommation et coût d’usage : Pour l’époque, la 4CV était économique à rouler, et aujourd’hui, son petit moteur reste frugal, ce qui la rend agréable pour des balades occasionnelles.
Histoire et aura culturelle : Première française à dépasser le million d’exemplaires, symbole de la renaissance de l’automobile française d’après-guerre, la 4CV jouit d’un capital sympathie et d’un intérêt historique.
Compacité et maniabilité : Sa petite taille la rend agile en ville, et elle se faufile facilement dans la circulation. Pour les collectionneurs, c’est un atout pour la déplacer lors d’événements.
Inconvénients :
Performances limitées : Avec une puissance modeste et une vitesse maximale autour de 100 km/h, la 4CV est inadaptée aux autoroutes et aux longs trajets rapides.
Confort et équipement rudimentaires : Si elle était adaptée aux années 1950, la 4CV offre un confort limité et un équipement réduit. Pas d’insonorisation poussée, des sièges sommaires et une tenue de route dépassée selon les standards actuels.
Sécurité passive quasi inexistante : Pas de ceintures de sécurité (sauf adaptations tardives), pas de structures déformables, carrosserie légère en acier. Le conducteur et les passagers sont peu protégés en cas d’accident.
Sensibilité à la corrosion : Comme beaucoup de voitures anciennes, la 4CV peut souffrir de rouille, ce qui nécessite une inspection approfondie avant l’achat et un entretien régulier.
En conclusion, la Renault 4CV est une voiture emblématique de l’après-guerre, qui a permis à de nombreux Français de découvrir la mobilité automobile. Son image de petite voiture populaire, robuste et simple, en fait aujourd’hui une icône recherchée par les collectionneurs. Les premières années de production et les versions préparées, comme les Gordini, sont particulièrement prisées. Malgré ses limites en termes de performances, de confort et de sécurité selon les standards actuels, la 4CV reste un témoin précieux d’une époque charnière de l’histoire automobile française.
Article par JM. Decayeux / PHOTOGRIFFON
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