Histoire complète de la Citroën Ami 6
Contexte et genèse (fin des années 1950)
À la fin des années 1950, Citroën souhaite combler le vide entre la populaire 2CV, économique mais très basique, et la DS, innovante mais chère. L’idée est de proposer une voiture intermédiaire, plus confortable et mieux équipée que la 2CV, tout en restant abordable. Le projet, qui aboutira à l’Ami 6, se veut une voiture familiale légère, positionnée sur un segment nouveau : celui de la petite berline de milieu de gamme.
Flaminio Bertoni, le styliste de la DS et de la 2CV, est à nouveau sollicité pour dessiner l’Ami 6. Il va concevoir un design original, caractérisé par une lunette arrière inversée, destinée à garder cette dernière propre et à optimiser l’espace arrière. Cette solution, très audacieuse, donnera à la voiture une personnalité marquée, voire controversée, mais distinctive.
Lancement (1961)
Présentée en avril 1961, l’Ami 6 reprend la base technique de la 2CV : châssis, suspensions à grand débattement, moteur bicylindre à plat refroidi par air (de 602 cm³). Par rapport à la 2CV, l’Ami 6 offre un moteur plus puissant (22 ch au départ, puis 26 ch ou plus sur les versions ultérieures), un intérieur plus cossu, des sièges plus confortables et une finition plus soignée. La suspension typique Citroën (bras tirés, ressorts horizontaux) assure un confort remarquable pour la catégorie.
La carrosserie est une berline dite “Z” à cause de la forme du pavillon. Les phares rectangulaires (une première en France) et la lunette arrière inversée sont les signes distinctifs les plus marquants. Le public est parfois dérouté par l’esthétique, mais l’Ami 6 trouve rapidement son public grâce à son prix plus accessible que la DS et à ses qualités routières.
Évolution dans les années 1960
1964 : Introduction de la version Break, plus spacieuse, plus traditionnelle dans sa ligne (lunette arrière conventionnelle), qui va rencontrer un franc succès. Le Break Ami 6 devient même plus populaire que la berline grâce à sa polyvalence, ses capacités de chargement et son allure plus consensuelle.
Le moteur s’améliore progressivement, passant de 22 ch à 26 ch, puis 28 ch, offrant de meilleures performances, sans pour autant transformer l’Ami 6 en voiture rapide.
L’Ami 6 sera disponible en différentes finitions, avec quelques améliorations d’équipement, de sellerie et de présentation au fil des années.
Carrière et succession (fin des années 1960)
Bien que populaire, l’Ami 6 souffre de son esthétique particulière et de performances modestes. En 1967, apparaît l’Ami 8, qui reprend la même base technique mais avec une ligne plus fluide et une lunette arrière standard. L’Ami 6 continue néanmoins sa production en parallèle, mais décline lentement face à sa remplaçante plus moderne.
La production de l’Ami 6 cesse en 1969. Au total, près d’un million d’exemplaires auront été produits, dont une grande proportion de breaks. L’Ami 6 aura joué un rôle charnière dans la gamme Citroën, préparant le terrain pour les Ami 8 et Ami Super, et confirmant la capacité de Citroën à proposer des voitures originales, confortables et adaptées à une clientèle de milieu de gamme.
Les modèles les plus recherchés et les plus chers
Par type et par année :
Berline première série (1961-1963) : Les toutes premières Ami 6 berlines, avec leurs spécificités d’origine (volant monobranche, certains détails de finition), peuvent intéresser les collectionneurs recherchant l’authenticité. Leur cote est en hausse si le véhicule est en état d’origine et bien conservé.
Ami 6 Break (à partir de 1964) : Le Break est souvent plus recherché par les collectionneurs, car il était plus polyvalent et a souvent été mieux conservé. Les versions Break en excellent état, rares, peuvent atteindre des sommes plus élevées que les berlines.
Séries et finitions particulières : Certaines finitions ou séries limitées (il n’y a pas eu de séries spéciales marquantes comme sur la 2CV, mais des évolutions d’équipements) peuvent avoir un intérêt accru, surtout si elles disposent d’un historique limpide ou d’accessoires d’époque (galerie de toit, par exemple).
Les plus chers sur le marché actuel :
Ami 6 Break en état concours, restaurée de façon irréprochable, avec documents d’origine, peut dépasser les 10 000 à 15 000 euros, ce qui est déjà une somme respectable pour ce modèle.
Berline Ami 6 très bien restaurée, surtout des premières années, peut aussi atteindre des valeurs similaires, mais la rareté du Break parfaitement préservé est un argument de poids.
En général, l’Ami 6 reste moins cotée que certaines autres Citroën emblématiques (2CV, DS, SM), mais les prix sont en hausse ces dernières années, au fur et à mesure que la voiture gagne en reconnaissance auprès des collectionneurs.
Avantages et inconvénients de la Citroën Ami 6
Avantages :
Confort de suspension exceptionnel : Fidèle à la réputation Citroën, l’Ami 6 offre un moelleux de suspension inégalé dans sa catégorie, très agréable sur routes dégradées.
Habitabilité et visibilité : Pour une petite voiture, l’Ami 6 est relativement spacieuse, avec une bonne habitabilité et une très bonne visibilité grâce à ses larges surfaces vitrées.
Personnalité et style original : Sa ligne, controversée à l’époque, en fait aujourd’hui un modèle distinctif, un objet de collection décalé qui se démarque des autres véhicules anciens.
Simplicité mécanique : Basée sur la 2CV, la mécanique bicylindre est simple, robuste, et les pièces détachées restent relativement accessibles grâce aux réseaux de clubs et de spécialistes.
Inconvénients :
Performances limitées : Malgré les évolutions du moteur, l’Ami 6 reste sous-motorisée pour une utilisation sur autoroute moderne. Son confort est idéal pour la campagne et la ville, mais elle peine à tenir de hautes vitesses.
Finition rustique : Malgré ses efforts pour être plus cossue que la 2CV, l’Ami 6 reste une voiture simple, avec des matériaux de finition modestes et une insonorisation perfectible.
Sensibilité à la corrosion : Comme beaucoup de voitures de cette époque, la rouille est un ennemi majeur. Il faut vérifier soigneusement l’état de la carrosserie et du châssis avant d’acheter.
Design clivant : Le style “lunette inversée” ne plaît pas à tout le monde, ce qui peut limiter l’attrait de la revente. Cependant, pour les amateurs, c’est au contraire un atout de caractère.
En somme, la Citroën Ami 6 est une voiture charnière dans l’histoire de la marque, symbolisant la volonté de proposer un modèle intermédiaire entre la 2CV et la DS. Son design original, sa suspension confortable et son héritage Citroën en font un modèle apprécié des collectionneurs. Les versions Break et les premières séries bien conservées sont particulièrement recherchées et peuvent atteindre des cotes notables sur le marché des véhicules anciens. Malgré ses performances modestes et quelques faiblesses d’époque, l’Ami 6 reste un témoin attachant de la créativité et de l’audace stylistique de Citroën dans les années 1960.
Article par JM. Decayeux / PHOTOGRIFFON
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